Bse ANGÈLE DE FOLIGNO
Livre des instructions
soixante troisième chapître
(a)
Vaine est la prière sans l’humilité ; après la prière, l’humilité est le premier
besoin de l’homme. Enfants bénis du Seigneur, regardez dans le Christ crucifié
le type de l’humilité, et que la forme de toute perfection se grave en vous.
Voyez sa route, voyez sa doctrine; elle n’est pas appuyée sur de vaines paroles,
mais fondée sur des oeuvres et confirmée par des miracles. De toute la force de
votre âme suivez Celui qui, étant dans le sein du Père, s’est anéanti, a pris le
rôle de serviteur, s’est humilié jusqu’à la mort, et a obéi jusqu’à la croix.
Il a posé en lui le type suprême et l’humilité ; c’est là qu’il a mis son coeur,
et il nous a demandé d’attacher sur lui nos regards, quand il a dit : « Apprenez
de moi que je suis doux et humble de coeur.» (Les traductions modernes de cet
Évangile, Mathieu 11/29, sont encore plus autoritaires. À noter que ces paroles,
à cause de leur puissance, ne sont rapportées qu’une seule fois. f.d.)
O mes enfants, regardez, voyez l’importance, la nécessité de cette chose, voyez
sa racine, (275) voyez ses fondements. Par une profonde et savoureuse
contemplation, descendez dans cet abîme, et jetez vos regards vers cette
sublimité. Ecoutez bien. Il ne dit pas : « Apprenez l’humilité des apôtres ;
apprenez-la des anges. » Non. Il dit : «Apprenez-la de moi. Ma majesté seule est
assez haute pour que mon humilité (C’est-à-dire celle de Dieu Trinitaire
Lui-Même. f.d.) soit au fond de l’abîme.»
Il ne dit pas : « Apprenez de moi à jeûner », malgré l’exemple des quarante
jours et des quarante nuits. Il ne dit pas : « Apprenez de moi le mépris du
monde ; apprenez de moi la pauvreté s, quoiqu’il ait fait et conseillé ces
choses. Il ne dit pas ; « Apprenez de moi comment j’ai créé le ciel. » Il ne dit
pas : « Apprenez de moi à faire des miracles », quoiqu’il en ait fait par sa
puissance propre, et qu’il ait ordonné aux disciples d’en faire en son nom. Il
ne dit jamais : « Apprenez ceci de moi. Il ne le dit que dans une occasion : «
Apprenez l’humilité. » En d’autres termes : « Si je ne suis pas en fait et en
vérité le type de l’humilité, regardez-moi comme un menteur. » Et il revient sur
ce sujet d’une manière étonnante, pour forcer notre attention. Après avoir lavé
de ses mains, de ses mains à lui, les pieds de ses disciples «Savez-vous,
dit-il, ce que je viens de faire? Si moi, Maître et Seigneur, j’ai lavé vos
pieds, (276) faites suivant ce modèle : j’ai donné l’exemple pour qu’il soit
suivi. Je vous le dis en vérité, le serviteur n’est pas plus grand que le
maître. Vous serez bienheureux si, sachant ces choses, vous les accomplissez. »
En vérité, en vérité, le Sauveur du monde a posé la douceur et l’humilité à la
base des vertus. Abstinence, jeûne, austérité, pauvreté intérieure ou
extérieure, bonnes oeuvres, miracles, tout n’est rien sans l’humilité du coeur.
Mais toutes ces choses reprendront vie et recevront bénédiction, si l’humilité
les soutient l’humilité du coeur est la force génératrice des vertus, La tige et
les branches ne procèdent que de la racine. Parce que son prix est infini, parce
qu’elle est le fondement sur lequel s’élève toute perfection spirituelle, le
Seigneur n’a voulu confier qu’à lui-même le soin de nous dire : «Soyez
humbles. » Et la Vierge Marie, parce que l’humilité est la gardienne
universelle, la Vierge Marie, comme si elle eût oublié toutes les autres vertus
de son âme et de son corps, n’a admiré qu’une chose en elle-même, et n’a donné
qu’une raison à l’incarnation du Fils de Dieu en elle :
«Parce qu’il a regardé l’humilité de sa servante.»
C’est pour cela, et non pas pour autre chose, (277) que s’est élevé le cri des
générations qui l’ont proclamée bienheureuse.
O mes fils, c’est dans la même humilité qu’il faut prendre substance et racine,
comme des membres unis à la tête, par une union naturelle et vraie, si vous
désirez le repos de vos âmes. O mes enfants, où trouver le repos et la paix,
sinon dans Celui qui est le repos et la paix substantiels? La condition de la
paix est l’humilité. Sans l’humilité, toute vertu, toute course vers Dieu, est
vraiment un néant. Cette humilité du coeur, que Dieu vous demande et vous
enseigne, est une lumière merveilleuse et éclatante qui ouvre les yeux de l’âme
sur le néant de l’homme et l’immensité de Dieu. Plus vous connaîtrez sa bonté
immense, plus vous connaîtrez votre néant. Plus vous verrez votre néant et votre
dénuement propre, plus s’élèvera dans votre âme la louange de l’ Ineffable;
l’humilité contemple la bonté divine, elle fait couler de Dieu les grâces qui
font fleurir les vertus.
(b)
La première d’entre elles (des vertus autre que l’humilité qui à dire vrai est
plutôt une fonction indirecte
rendant dépendant d’un autre… f.d.) est l’amour de Dieu et du prochain, et c’est
la lumière de l’humilité qui donne naissance à l’amour. L’âme voyant son néant,
et Dieu penché sur ce néant, et les entrailles de Dieu étreignant ce néant (dans
l’humilité et la douceur du Centre
Divin Lui-même … f.d.), l’âme s’enflamme, se transforme et adore. L’âme (278)
transformée aime toute créature comme Dieu (avec Son humilité….f.d ) aime toute
créature ; car dans toute créature c’est Dieu qu’elle voit, c’est le nom de Dieu
qu’elle lit. Aussi elle partage les joies et les douleurs du prochain. Les
fautes des hommes n’enflent pas l’âme et ne l’inclinent pas vers le mépris ; car
la lumière qui l’éclaire lui montre qu’elle est aussi coupable ou plus coupable.
Si elle est innocente, elle sait qu’elle ne l’est pas par elle-même, qu’elle a
été tenue par la main, fortifiée, que la tentation a été diminuée ; et, au lieu
de l’enfler, les fautes des autres hommes l’aident à rentrer dans son propre
abîme, et là, voyant ses défauts à la clarté de l’abîme, elle voit qu’elle
serait tombée avant tout autre dans le précipice, sans la main qui la tenait.
Elle sent aussi les maux que le prochain souffre dans son corps, et compatit
comme l’Apôtre : « Qui est malade, disait-il, sans que je le sois aussi? »
Comme la Charité, la Foi, l’Espérance et toutes les vertus
(notamment celles
plus particulièrement spécifiques à
chaque religion… f.d.), selon leur nature propre et leurs propriétés
particulières, reposent sur l’humilité : il serait trop long d’expliquer en
détail toutes ces filiations (En effet il y faudrait une véritable somme
théologique nouvelle. Mais cela serait possible et nécessaire pour les temps à
venir. f.d.). L’homme qui voit la faiblesse de sa pensée, et comment le vide de
Dieu est à chaque instant dans son esprit, croit ce que la foi enseigne.
L’homme, voyant qu’il ne (279) peut rien par lui ni par personne, place en Dieu
toute son espérance. Mais l’expérience vous parlera plus haut que moi. Je n’ai
qu’un mot à vous dire : tenez-vous sur la base des choses, debout, immobiles,
fermes, fixes. Celui qui est fondé en humilité, a sa conversation avec les
anges, très douce, très pure et pacifique L’homme humble a une action singulière
sur le coeur des hommes, sur le coeur des élus. Il est posé devant eux comme une
lumière, et sa douceur les tourne comme
elle veut. Parce qu’il est pacifié par la pacification interne, nul malheur ne
le trouble, et il dit avec l’Apôtre : « Qui pourra me séparer de la charité de
Jésus? » O mes enfants, cherchez, cherchez jusqu’à ce que vous ayez trouvé le
fondement sans lequel toute édification est une ruine. Gardez-vous de la route
qui n’aboutit pas. Je vois la nécessité de cette nécessité, parce que sans
l’humilité je vois de mes yeux ouverts le néant des vertus. Accomplissez le
désir de l’éternel Roi, de Jésus-Christ Notre-Seigneur, qui vous supplie, en
vous serrant, d’accepter de lui l’humilité. Approfondissez la profondeur ;
creusez le néant dans votre abîme. Accomplissez le désir de l’éternelle Vérité,
de l’éternelle Sagesse, qui a caché l’humilité aux sages du siècle comme on
cache un trésor, mais qui l’a relevée et livrée aux enfants. (280)
Je désire, je désire, j’ai faim et soif, mes enfants ; j’ai faim et soif que
vous vous abîmiez dans l’abîme, que vous vous engloutissiez dans la profondeur
de votre néant et dans la hauteur de l’immensité divine. Si cela est, si vous
êtes solides sur la base, vos lèvres et vos âmes ne seront plus promptes aux
querelles. Semblables au Crucifié, vous serez comme des sourds qui n’entendent
pas, comme des muets qui ne peuvent plus remuer les lèvres. Vous serez les
membres véridiques, les membres authentiques du Seigneur, du Dieu de gloire.
Lisez l’Ecriture, vous verrez s’il a jamais eu la moindre complaisance pour les
misérables vanités, pour les rivalités qui s’agitaient autour de lui.
Nul ne sait jusqu’où va la bienfaisance de cette humilité, qui remplit
d’elle-même les âmes pacifiques, les vases d’élection où Dieu se complaît ; car
la profondeur de leur paix intérieure arme les humbles contre le dehors. S’ils
entendent l’injure les attaquer ou attaquer la vérité, ils ne peuvent se
justifier que brièvement et sans emphase. La calomnie les trouve plutôt prêts à
avouer leur ignorance et à se retirer, qu’à entrer en discussion ils n’ont pas
cette complaisance.
Quand je cherche la source du silence, je ne la trouve que dans le double abîme,
où (281) l’Immensité divine est en tête à tête avec le néant de l’homme. Et la
lumière du double abîme, cette lumière, c’est l’humilité.
Humilité, lumière, silence, quelle route mène à vous, sinon la route indiquée?
C’est la prière qui vous trouve, prière ardente, pure, continuelle, prière fille
des entrailles. C’est aussi le livre de vie, c’est la croix qui, en nous
montrant nos crimes, nous ouvre les portes de l’humilité. O chers enfants de mon
âme, je vous le demande, et je me le demande à moi-même : soyons unis dans la
même sagesse, bien loin, bien loin de toute discorde. Oh cette paix, cette paix,
cette paix qui fait l’unité entre les frères ennemis, je vous la souhaite
ardemment. La force que donne cette paix, c’est l’esprit d’enfance. Quand vous
le posséderez, au lieu, de vous laisser enfler par la science ou par le sens
naturel, des péchés d’autrui vos regards tomberont sur vos péchés, et si vous
querellez quelqu’un, ce quelqu’un ce sera vous. L’esprit d’enfance ignore les
questions de préséance ; il ignore la lourdeur, la pesanteur de l’homme qui
dispute.